Focus sur le label Blue Note
Blue Note Records, l’excellence jazz
Un jour de 1938, Alfred Lion, un passionné de jazz originaire de Berlin, assiste à un concert de la revue From Spirituals to Swing au Carnegie Hall de New York. Transfiguré par le spectacle et son extraordinaire performance musicale, Alfred Lion, accompagné de son partenaire Max Margulis ( et bientôt le photographe Francis Wolff) créent quelques semaines plus tard le label Blue Note Records. Parues en janvier 1939, les premières sorties de l’enseigne proposent une série de duos blues et boogie des pianistes Albert Ammons et Meade « Lux » Lewis, mais c’est la reprise du « Summertime » de Gershwin par le Sidney Bechet Quintet, enregistrée au cours de l’été, qui deviendra le premier succès commercial de Blue Note.
Alfred Lion, assis, et Francis Wolff
Du be-bop au hard-bop, Blue Note Records va ensuite marquer de son empreinte le jazz de son époque en accueillant des talents aussi prestigieux que Thelonious Monk, Art Blakey et Bud Powell, à la veille de son envol définitif au cours des années 1950 grâce à une série d’enregistrements mythiques des Jazz Messengers, de Milt Jackson, d’Horace Silver et de Miles Davis réalisés par l’ingénieur du son Rudy Van Gelder, depuis son célèbre studio situé à Englewood Cliffs, dans le New Jersey. Mais au-delà de son exigence musicale, Blue Note représente également une révolution esthétique encouragée par ses pochettes instantanément identifiables et le fameux logo désigné par l’illustrateur Reid Miles, ainsi qu’une bienveillance peu commune envers les musiciens dans l’industrie du disque en choisissant de rémunérer leurs séances de répétitions.
Au début des années 1960, Blue Note Records prolonge son aventure en s’ouvrant aux nouveaux courants expérimentaux du jazz par l’intermédiaire d’Eric Dolphy, Ornette Coleman, Cecil Taylor, sans oublier l’arrivée d’un jeune prodige des claviers de 22 ans nommé Herbie Hancock, dont le premier album Takin’ Off paraît en 1962. Mais si la carrière de l’ancien membre du quintette de Miles Davis est sur le point de décoller, l’ascension de Blue Note est sérieusement freinée à la moitié de la décennie : en 1965, le label est vendu à Liberty Records. Deux ans plus tard, Alfred Lion part à la retraite, et les années 1970, marquées par l’irruption du funk et de la fusion dans l’univers jazz, s’ouvrent par la disparition de Francis Wolff.
Il faudra attendre le début des années 1980 et l’arrivée du compact-disc pour assister à la renaissance de Blue Note Records : signés, entre autres, Miles Davis, Cannonball Adderley, Herbie Hancock, Horace Silver, Art Blakey, Jimmy Smith, Lee Morgan et Freddie Hubbard, les albums fondateurs du label font l’objet de rééditions CD, puis de la collection RVG Series, qui offre de nouvelles remasterisations supervisées par Rudy Van Gelder en personne. Ce retour au premier plan s’accompagne de nouvelles signatures au succès éclatant : en 2002, Come Away With Me, le premier album de Norah Jones, s’écoule à plus de 25 millions d’exemplaires dans le monde entier. En 2019, Blue Note Records a fêté le 80ème anniversaire d’une formidable aventure toujours d’actualité : auprès de ses prestigieux aînés, une nouvelle génération d’artistes, parmi lesquels Gregory Porter, le claviériste Robert Glasper, le guitariste Julian Lage et le duo Domi et JD Beck, incarnent aujourd’hui la fameuse devise de Blue Note : “The finest in jazz since 1939“.