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5 classiques de jazz

John Coltrane - Blue Train

 

 

À l’automne 1957, John Coltrane enregistre son unique album en tant que leader pour le label Blue Note. Cette signature sur la prestigieuse enseigne d’Alfred Lion marque une renaissance artistique pour l’ancien membre du mythique quintette de Miles Davis, mais aussi une victoire personnelle pour le saxophoniste : quelques mois plus tôt, Coltrane, victime d’une addiction à l’alcool et à l’héroïne, avait décidé de se reprendre en main et de vaincre ses démons. Pendant cinq jours, il s’enferme dans une pièce et entreprend un douloureux sevrage…

Le 15 septembre 1957, accompagné de Lee Morgan (trompette), Kenny Drew (piano), Paul Chambers (contrebasse), Curtis Fuller (Trombone) et de Philly Joe Jones à la batterie, John Coltrane franchit la porte du Van Gelder Studio situé à Hackensack, dans le New Jersey, pour graver les cinq titres d’un sommet du hard-bop. Propulsé par son phénoménal morceau-titre, une odyssée blues d’une durée de près de onze minutes, Blue Train sinue entre frénésie (« Locomotion », « Lazy Bird ») et romantisme (la somptueuse relecture du standard « I’m Old Fashioned »). L’intriguant « Moment’s Notice » contient également la marque de fabrique du compositeur, les fameux Coltrane Changes, les changements d’accords atypiques et imprévisibles conçus par un maître de l’harmonie.

Paru en janvier 1958, Blue Train s’impose dès sa sortie comme un classique au son tant unique qu’intemporel, ainsi qu’une formidable introduction à la discographie d’un des plus grands géants du jazz.

 

 

The Oscar Peterson Trio - Night Train

 

 

Capable de combiner la dextérité, la vitesse, la souplesse, l’élégance et la précision dans son phrasé, Oscar Peterson est incontestablement un des plus grands pianistes de l’histoire du jazz. Les 15 et 16 décembre 1962, le bandleader canadien à la discographie prolifique se confronte aux standards de son époque : dans Night Train, le toucher virtuose d’Oscar Peterson infuse les incontournables « Georgia on My Mind », « Easy Does It » et le « Bag’s Groove » de Milt Jackson. Les airs de Duke Ellington, un des piliers du panthéon musical du pianiste, sont également à l’honneur avec des relectures, entre audace et urgence, de ses thèmes-signatures « Things Ain’t What They Used to Be », « C Jam Blues », « Band Call » et le mid-tempo « Happy-G-Lucky Local (aka Night Train) » qui donne son titre à l’album.

Aux commandes de son fameux trio incluant Ray Brown (contrebasse) et Ed Thigpen (batterie), celui que le Duke surnommait « le Maharadja des claviers » délivre dans Night Train une unique composition, qui deviendra bientôt une des plus célèbres de son répertoire : « Hymn to Freedom », appelée à devenir une des plus fortes incarnations artistiques du mouvement des droits civiques.

Depuis sa sortie en 1963, Night Train, illustré par sa somptueuse pochette ferroviaire signée par le photographe Pete Turner, est considéré à juste titre comme un classique du jazz bénéficiant d’une qualité rare : celle d’offrir une performance instrumentale d’une richesse insondable, tout en restant accessible à tous.

Oscar Peterson Trio - Night Train - Vinyle (Accoustic sounds)

DISPONIBLE ICI

 

 

Ella Fitzgerald & Louis Armstrong - Ella & Louis

 

 

Sur le papier, l’association entre la voix élégante et le phrasé cristallin d’Ella Fitzgerald, et celle, plus brute et gutturale, de Louis Armstrong, avait peu de chance d’aboutir à un enregistrement majeur de l’histoire du jazz vocal. Sorti en 1956, Ella & Louis scelle pourtant la collaboration mythique entre « La First Lady of Swing » et « Satchmo », alors au sommet de leurs carrières respectives. Aux cotés de ce duo d’exception, on retrouve quelques grands noms du jazz tels que le contrebassiste Ray Brown, le guitariste Herb Ellis guitare, le pianiste virtuose Oscar Peterson et l’immense Buddy Rich à la batterie, et au service de onze chansons puisées dans le grand songbook américain. Les voix complémentaires d’Ella Fitzgerald et de Louis Armstrong illuminent une sélection de standards romantiques des années 1920, 30 et 40 incluant, entre autres, « The Nearness Of You », le « Cheek to Cheek » d’Irving Berlin et le swing de « Can’t We Be Friends? », l’irrésistible récit d’une romance contrariée qui ouvre Ella & Louis.

Dans ce disque enregistré lors d’une session unique le 16 août 1956, la carte des sentiments est également géographique, en voyageant de la Nouvelle-Angleterre (« Moonlight In Vermont ») au Sud profond des Etats-Unis (« Stars Fell On Alabama »), avant d’atterrir sur le vieux continent avec « April in Paris », et enfin Londres dans le mélancolique « A Foggy Day » d’Ira et George Gershwin. Paru sur le label Verve Records et produit par le visionnaire Norman Granz, cette séance historique marque le premier volet d’une trilogie : Ella & Louis sera suivi par Ella & Louis Again en 1957, et l’éternel Porgy And Bess, inspiré du célèbre opéra d’Ira Gershwin et DuBose Heyward, en 1959. Mais rien ne saura dépasser la grâce et l’émotion de ce premier rendez-vous…

 
 

Stan Getz - Getz/Gilberto

 

 

À l’aube des années 1960, le contrebassiste Don Payne rapporte dans ses bagages une sélection de disques entendus durant son séjour au Brésil. De retour à New York, le musicien fait découvrir à son voisin et ami Stan Getz le nouveau style en vogue chez les cariocas : la bossa nova. Immédiatement séduit par le genre, le saxophoniste enregistre quelques mois plus tard Jazz Samba, l’album qui va introduire le genre aux Etats-Unis dès 1962. En novembre de la même année, le producteur Creed Taylor, après avoir assisté au Carnegie Hall à un concert all-stars de musiciens et chanteurs brésiliens, a une idée lumineuse : réunir Stan Getz, le guitariste-chanteur João Gilberto, un des pionniers de la bossa-nova, et le pianiste Antônio Carlos Jobim.   

Le 18 mars 1963, le trio entre aux studios A&R de New York en compagnie d’une chanteuse qui participe ce jour-là au premier enregistrement professionnel de sa carrière : Astrud Gilberto. La jeune chanteuse et épouse de João Gilberto interprète deux chansons composée par Jobim et le parolier Vinicius de Moraes dans Getz/Gilberto. « Corcovado (Quiet Nights of Quiet Stars) », et « The Girl From Ipanema », qui entrera bientôt dans l’histoire. Maintes fois reprises depuis sa création — de Frank Sinatra à Diana Krall — la ballade inspirée par un quartier branché du sud de Rio décrochera un hit international  dès sa sortie, en mars 1964. Ce succès contribuera indirectement à celui de l’album de la rencontre entre le jazz et la bossa nova, considéré à juste titre comme un classique fusionnant l’esprit cool des LPs cultes de Chet Baker, Gerry Mulligan et Miles Davis avec les courants exotiques sud et latino-américains.L’édition 1965 des Grammy Awards ne s’y est pas trompée : un an après sa parution, Getz/Gilberto remporte trois récompenses lors de la soirée, dont celle du Meilleur album de jazz instrumental et, fait rarissime pour un enregistrement jazz, celui de l’Album de l’année.

 

 
 

Pharoah Sanders - Karma

 

 

Apôtre du spiritual jazz, Pharoah Sanders signe un des modèles du genre en 1969 avec Karma. Dans son troisième album en tant que bandleader, le saxophoniste tenor prolonge les envolées free de John Coltrane, son mentor et inspiration revendiquée, dans un LP donné par l’extravagante suite « The Creator Has a Master Plan ». Scindée en deux parties pour les besoins du format vinyle, cette extravagante épopée modale de plus de 32 minutes composée par Pharoah Sanders et le chanteur Leon Thomas culmine dans une spectaculaire polyphonie de cuivres hurlants, de piano atonal, de flûtes voluptueuses et de mantras vocaux déchirants appelant à l’unité et à l’élévation spirituelle.

Pièce centrale d’un album gravé en l’espace de deux jours en février 1969 aux studios RCA de New York, « The Creator Has a Master Plan » bénéficie d’un line-up all-stars : aux côtés de Pharoah Sanders et de Leon Thomas officient le pianiste-clavieriste (et future légende du jazz-funk) Lonnie Liston Smith, Julius Watkins au cor, le flûtiste James Spaulding, le contrebassiste Reggie Workman, un ancien sideman de Coltrane, le batteur Billy Hart. Les séances de Karma accueillent également les contributions du percussionniste Nathaniel Bettis et de Ron Carter et Richard Davis, invités à des parties de contrebasse.

En contrepoint du tour de force de « The Creator Has a Master Plan », l’album se referme sur « Colors », une splendide élégie claire-obscure interprétée par Leon Thomas. L’épilogue crépusculaire d’un disque phare où le free-jazz, les sonorités traditionnelles et les improvisations fulgurantes soufflent un vibrant message de paix universelle.

 

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